Déception
Quand j’ m’amèn’rai su’ la Mason
Qu’ j’ai dans l’idée, au coin d’ ma vie
Elle a s’ra just’ su‘ sa sortie
Pour aller fair’ ses provisions
Dès qu’a m’ verra
(Un vrai coup d’ tronche en pleins nichons)
Et comm’ tout par un coup r’froidie
A d’viendra blanch’ comme un torchon !
- Ah…
-Ah ! ben vrai… bonsoir ? Quiens ! Te v’là ?
Ça n’est pas trop tôt, mon bonhomme
Allons, approch’, pos’ ton cul là
D’où c’est qu’ tu viens ? Comment qu’ tu t’ nommes ?
-Qui c’est ton parfum ? dis ? des fois ?
(On pourrait t’ pister à la trace.)
-Mossieu a mis son sifflet d’ crasse ?
Mossieu va dans l’ monde, à c’ que j’ vois !
-J’ te connais comm’ si j’ t’avais fait
T’ es un rêveur…, t’ es z’eun’ vadrouille ;
T’ as chassé que c’ que tu rêvais
Et t’ es toujours rev’nu bredouille :
-Dors… laiss’ tout ça s’organiser
J’ suis la Beauté… j’ suis la Justice
Et v’là trente ans que tu t’ dévisses
Qu’ t’ es en marche après mon baiser !
-T’ es ben un galant d’ not’ Époque
Un d’ nos cochons d’ contemporains
Qu’ ont l’ cœur et la sorbonne en loques
Et n’ savent où donner du groïn
-Aussi on n’ te gob’ pas beaucoup
T’ offens’s les muffs ; t’ es bon pour l’ bagne
Comment, sagouin, t’ avais pas l’ sou
Et tu f’sais ta poire et tes magnes ?
-Quiens… maint’nant, causons des gonzesses
(Qué Sologn’ ce fut… tes vingt ans !)
Aucune a compris les tendresses
Qui braisoyent dans tes miroitants :
-Et t’ es cor deuil et plein d’ méfiance
À cause des fauvett’s qui dans l’ temps
Ont fait pipi su’ tes croyances
Et caca su’ ton Palpitant ;
-Et les ment’ries qu’ tu sais déjà ;
Nib ! T’ en veux pus pour un empire :
Hein : « Cœurs de femm’s, cœurs de goujats »
Et les meilleur’s… a sont les pires !
-N’ te tracass’ pas, va… dors, mon gosse ;
Dodo, mon chagrin… mon chouné
La France est un pays d’ négoce
Tu sauras jamais t’y r’tourner !
Et v’là. - A caus’ra jusqu’au jour
Comm’ ça en connaissanc’ de cause
Ses mots… y s’ront des grains d’amour
Et en m’ disant tout’s ces bonn’s choses
Dans son plumard silencieux
A mettra ses mains su’ ma bouche
Et pis ses bécots plein mes yeux
Dormir… dormir, jusqu’à midi !
Qu’a soye putain, qu’a soye pucelle
Le blair dans l’ poil de son aisselle
Comme un moignieau qui rentre au nid !
Sûr qu’a s’ra franch’, gironde et bonne
Son cœur y s’ra là pour un coup
Et ses tétons y s’ront si doux
Que j’ la prendrai pour eun’ daronne
Et loin des gonciers charitables
Des philanthrop’s… des gas soumis
J’aurai d’ la soup’, du rif, eun’ table
Et du perlo pour les z’amis
(Fini l’ chiqué des vieux gratins
Des pauv’s vieux cochons baladeurs !
Fini, Mam’ Poignet et ses leurres
Solitaires et clandestins !)
Dormir… n’ pus jamais rouvrir
Mes falots sanglants su’ la Vie
Et dès lorss ne pus rien savoir
Des espoirs et des désespoirs
Qu’ ça soye le soir ou ben l’ matin
Qu’y fass’ moins noir dans mon destin
Dormir longtemps… dormir… dormir…
Dormir… dorm… dormir…!
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ho ! mais bon sang ! Cell’ que j’appelle
Ça s’rait-y pas la Femme en Noir
Qu’est à coup sûr la pus fidèle ?
Oh ! là là, vrai ! La Dame en Noir
(Qu’un jour tout un chacun doit voir
Aux lueurs des trent’-six chandelles)
La Sans-Remords… la Sans-Mamelles
La Dure-aux-Cœurs, la Fraîche-aux-Moelles
La Sans-Pitié, la Sans-Prunelles
Qui tranch’ les tronch’s par ribambelles
Et, dans les tas les pus rebelles
Envoye son tranchoir en coup d’aile
Pour fair’ du Silence et du Soir !
(Et faire enfin qu’y ait du bon
Pour l’ gas qui rôde à l’abandon.)