Chant D’Automne
Bientot nous plongerons dans les froides ténèbres
Adieu vive clarté de nos étés trop courts
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le Bois retentissant sur le pavé des cours
Tout l'hiver va rentrer dans mon être, colère
Haine, frissons, labeur dur et forcé
Comme le soleil, dans son enfer polaire
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé
J'écoute en fremissant chaque bêche qui tombre;
L'echafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd
Mon esprit est pareil a la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd
Il me semble, bercé par ce choc monotone
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part
Pour qui? – C'etait hier l'été; voici l'automne!
Ce bruit mystérieux sonne comme un depart
J'aime de vos longs yeux la lumiére verdâtre
Douce beauté, mais tout aujour'hui m'est amer
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer
Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! Soyez mère
Mème pour un ingrat, même pour un méchant;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant
Courte tâche! La tombe attend elle est avide!
Ah! Laissez-moi, mon front posè sur vos genoux
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux!