LE FUNESTE COLLIER
Je t'ai donné le jour
Le premier d'une série
Qu'on parsème de nuits
Qu'on appelle la vie
Je t'ai donné du temps
Entrecoupé d'absences
T'attendais mes retours
Tu me faisais confiance
Je t'ai tendu le sein
Pour que tu t'y abreuves
Je t'ai tendu la main
Pour mieux que tu te meuves
Et les jours de sanglots
De météo mauvaise
Je t'ai fait des cadeaux
Afin que tu te taises
Je t'ai fait des gâteaux
Et perché sur ta chaise
Tu m'as fait des bravos
T'étais même pas tombé
Qu'j'te rem'ttais sur les rails
Je t'ai toujours mâché
C'qu'y aurait eu de travail
Je t'ai laissé gagner
À tes p'tits jeux d'enfants
J't'ai pas laissé glisser
Jusqu'en bas des serpents
Je t'ai donné des ronds
Pour que tes doigts les glissent
Dans ces distributrices
De babioles à la con
Je t'ai prêté ma carte
Je t'ai donné mon code
T'as grandi dans la ouate
T'as suivi toutes les modes
Je t'ai donné la vie
Je t'ai roulé dans l'or
Et j'ai même pas compris
Qu'tu t'sois donné la mort
Je t'ai donné la vie
Une vie si facile
Qu'à défaut de défis
T'es devenu fragile
J't'ai pas vu t'enfoncer
Dans ton grand nuage noir
J'étais trop occupé
À n'pas t'laisser pleuvoir
T'es parti en m'léguant
Ton affreux mal de vivre
T'es parti en m'donnant
Comme une envie d'te suivre
Mais si y'a réellement
Une vie après la mort
J'irai pas mon enfant
Te la pourrir encore
Alors j'vais t'regretter
Jusqu'au bout mon trésor
Et je vais respecter
Qu'tu t'sois donné la mort
J't'ai donné tant d'poussées
Que t'as été capable
Tout seul de t'balancer
Au bout d'ce maudit câble
J'ai crié ton prénom
Mais il était trop tard
Je t'ai trouvé blafard
Accroché au plafond
J't'ai serré contre moi
Je t'ai d'mandé pardon
Tu n'm'as pas donné l'choix
Et j'ai coupé l'cordon
Je me souviens qu'enceinte
J'étais morte de crainte
Qu'il se prenne et se noue
Autour de ton frêle cou
C'cordon qui nous a liés
Bien après ta naissance
Ce funeste collier
De ta trop longue adolescence
Je t'ai donné la vie
Je t'ai roulé dans l'or
Je t'ai donné l'envie
De te donner la mort
Mais de ton paradis
Peux-tu m'aider mon ange
À vaincre les non-dits
À faire que le monde change
À faire que la croix
Que j'vais planter dans l'champ
Fasse pousser de la joie
Dans le coeur des enfants
Ces cadets, ces louveteaux
Qui veulent quitter le camp
Dès qu'ils manient l'couteau
Et font des noeuds coulants
Qui n'ont plus comme projet
Que d'échanger leur or
Pour s'acheter un billet
Destination la mort