CA M'FOUT LA FROUSSE
On saura tout bientôt
De l'avenir des âmes qui prendront corps
On saura tous des peaux
De la moindre membrane, du moindre pore
On pourra tout prévenir
On pourra tout guérir avant la plaie
Mais si notre avenir
À force de s'polir, se surpeuplait
On aurait plus en bref
Qu'un monde sans relief à l'horizon
Un océan sans vague
Une forêt qu'on élague trop par trop
On naîtrait tous enfin
Maître de nos destins aseptisé
On naîtrait tous pur sang
Droit d'éthique bien au dent, bien programmé
Privé de tout hasard
De tout mauvais départ en début d'course
On va bien entendu
Finir par s'marcher dessus, ça m'fout la frousse
À part les poupons bleus
Pauvre ombilicaux, nés corde au cou
Héritier de la malchance
Alors que la déficience grimpe en tabou
Sorti de mère coupable
De n'être pas capable de perfection
Alors qu'il serait normal
Que tout le monde soit égal à la maison
À part quelques victimes
De quelques rares crimes ou accidents
On défierait ses heures
Où s'éteignait les cœurs du bon vieux temps
Quand on laissait les vieilles
Accéder au sommeil en priant dieu
Quand on laissait les pieux
S'en aller silencieux vers leur soleil
On serait tous solide
Construit comme des bolides, moteurs intactes
Une clé dans l'contact
Et confiné au neutre et au klaxon
Car sans compétition
On vivrait tant d'bouchon, plaque contre plaque
Coincé dans une émeute
Faute de lever les feutres en fin de mission
Privé de tout hasard
De tout mauvais départ en début d'course
On va bien entendu
Finir par s'marcher dessus, ça m'fout la frousse
Mais si j'venais d'apprendre
Que l'enfant en commande, dans l'entrepôt
Que le p'tit corps qui hante
L'entre chair de mon ventre a mon défaut
Que le sang de mon sang
Manque de globule blanc comme sa maman
Ne tricherais-je pas un peu
Pour qu'il n'ait que mes yeux pas mes tourments
Si on poussait le dard
De l'amniocentèse jusqu'à outrance
Me prédisant obèse
Le fruit de mon espoir dès son enfance
Si on m'disait possible
De lui forger le gène de la minceur
Ne serais-je pas sensible
Au retrait d'ses problèmes de corps et d'cœur
Si j'me mets dans la peau
De ses parents déçus, d'enfants voués
À retourner la haut
Avant d'avoir perdu leur dent d'bébé
Ne ferais-je pas au médecin
Tout ce que j'ai d'pied et d'main pour un miracle
Sacrifierai-je mon fils
Pour que le monde en bout d'piste évite l'embâcle
Est-ce que l'évolution
Fera plus de mal que d'bon en tuant les ailes
De ceux qui s'envoleraient
Dans un mystère parfait et naturel
Si les dieux d'la recherche
Contrôlent un jour les crèches mieux qu'l'éternel
Même si l'idée est douce
Même si l'idée est belle, ça m'fout la frousse!