Les grands ensembles
Il habitait dans une tourDe béton, de vitres et d'acierPas le moyen d'y faire l'amourSans que tous en soient informésPour planter un clou dans les mursIl fallait un marteau piqueurDehors en guise de peintureC'était du ciment de couleurIl avait calculé, un jour,Qu'il perdait un mois dans l'annéeRien que pour faire l'aller-retourEntre chez lui et son guichetIl rêvait de champs et d'espaceIl rêvait de petits oiseauxDe s'habiller en dégueulasseEt de flâner au bord de l'eauÀ l'entrée A du bloc D6Dixième étage escalier BDerrière la porte 306De son F2 il contemplaitEn guise de champs et d'espaceLes façades délavéesDe ces ensembles dégueulassesCes bidonvilles maquillésCes fantômes des jours en grisCes lève-tôt des trains bondésCes êtres coincés par la vieQui n'avaient rien à espérerCes pas-plus-cons que beaucoup d'autresCes moins débrouillards seulementCes gens qui bossaient pour les autresPayaient pour vivre là-dedansD'abord, l'argent, ça devrait êtreLe privilège des humbles gensDes malvenus, des trop-honnêtes,Des anonymes, des mal-vivants,Et non celui de ceux qui, parLeur esprit, leur cœur ou leur corpsPourraient atteindre d'autres gloiresPlus nobles et plus riches encoreIl habitait dans une tourDe béton, de vitres et d'acierPas le moyen d'y faire l'amourSans que tous en soient informésIls habitaient dans des toursDe béton, de vitres et d'acierPas le moyen d'y faire l'amourSans que tous en soient informés{ad lib}