Le carnet de Prévert
On arrive à un point de la vieOù l'on commence à voir ses amis,Des parents, des êtres chersQui se perdent en mer.Une minute de silencePour un ami d'enfance,Pour un chanteur qui couraitAvec nous dans les présAujourd'hui, sur la pelouse,Nous jouerons à douze:Jean-Michel avec nous,C'est tout.Sur toutes les photos de classe,Combien d'hommes ont cédé la place?On ne saura presque jamaisLes noms de ceux qui nous ont quittés.Sur son carnet, Prévert dessinaitUne fleur près de ceux qui partaient.Si bien qu'on trouva, par la suite,Des pages entières de marguerites.Une minute de silencePour des amis d'enfancePour un chanteur qui jouait,Pour un joueur qui chantait.La vie c'est comme un bouquet de fleursQui garderait toujours son odeur.Qu'importe si certaines sont coupées,Comme on dit à jamais.Mais j'ai beau prendre un air qui entraîne,J'ai beau vouloir cacher ma peine,Je sais bien où la vie nous mène,Sans arrêt.Une minute de silencePour toute notre enfance.Serrons-nous dans les bras,Fort, comme ça.Il pousse une margueritePour chaque ami qui nous quitte:Une fleur pour Prévert,Une autre pour Reiser.Une minute de silencePour un ami d'enfance,Une vie de bonheur,Ailleurs.