TESTAMENT
Que François Villon me pardonne
D’écrire moi mon testament
Le mien ne trompera personne
Pourtant nos coeurs étaient parents
Passez les tours de passe passe
Brisez vos miroirs trompe l’oeil
A trop servir l’âme se lasse
En vingt-quatre heures c’est le deuil
Ce corps où flânèrent des bouches
Bouches aimées bouches de blondes
Plus tard y flâneront les mouches
Allant de délices profondes
En désespoir morte saison
Il arpente sa lieue de nuit
Sans lampe étoile ni chansons
Les velours n'y font pas de bruit
A mon bras droit quelque bras gauche
A mes deux mains deux seins dedans
Pour la blonde, qu'on la chevauche
Sur les ronces et le chiendent...
A la cruche à l’eau du vin rouge
A tes ongles du "Nail Polish"
De la musique ombres qui bougent
Aux accordéons des péniches
Au bal nègre qui vit la blonde,
Le noir et l’or danser ensemble
- Il n’y a pas de rime à blonde -
Au bal où le souvenir tremble,
Je donnerai mon coeur crédule ;
Sous les clarinettes aiguës
J’ai vécu des vies somnambules
Avant de boire la ciguë...
Dans le cercueil de mes deux mains
Gisent les caresses données,
Qu’en reste-t-il le lendemain
Lorsque les cloches sont sonnées,
Dîtes-le-moi blonde dernière ?
Rien de rien sinon des flocons
Des reflets, des mousses de bière,
Un courant d’air dans un flacon.
La Blonde va sur ses trente ans
Mais ses trente ans lui vont dessus,
Chacun plus lourd qu’un vol de taon,
Trente canifs inaperçus.
Ce testament n’est que pour elle,
Qu’il lui décroche une ou deux larmes,
Elle est ma rude ritournelle
Vide est le songe et bu le charme
A toi donc pour en terminer
Mon ombre afin qu’elle te hante,
Des poisons du ru détourné,
La chapelle l’aube ardente
Où ta vieillesse songera.
C’est bien fini, en avant toutes,
Je pèse mes vingt-cinq carats,
J’aurais dû la tuer sans doute.
A la revoyure un mouchoir,
A la guerre comme à la guerre,
Moi je m’enfonce dans le noir,
Sans vivres ni paratonnerre
A l’horizon ma silhouette,
La bonne étoile au firmament,
Mais j’en ai par-dessus la tête
Et se ferme le testament...